22.3.09

L’histoire de l’archéologie préhistorique comme patrimoine : Léon Aufrère et Boucher de Perthes

Marie-Françoise Aufrère
L’histoire de l’archéologie préhistorique comme patrimoine : Léon Aufrère et Boucher de Perthes

Sortir Boucher de Perthes de l’oubli dans lequel il était tombé : telle fut l’une des grandes affaires de la vie de Léon Aufrère. La formule de Émile Cartailhac exprime l’embarras de quiconque aborde les Antiquités celtiques et antédiluviennes (1849, 1857, 1864) et explique en partie cet oubli ou ce désintérêt : « Quel singulier mélange de divagations et de vérités !... C’est merveille que les égarements de sa raison n’aient pas discrédité ses idées justes et ses observations fécondes. » (La France préhistorique d’après les sépultures et les monuments, 19). Pour Aufrère, ces dites divagations et vérités ont conduit à la défense de la très haute antiquité de l’homme et à la constitution de la première collection d’objets que nous appelons « paléolithiques ». En défendant la très haute antiquité de l’homme, Boucher de Perthes a mis en cause une croyance fondamentale, l’apparition de l’homme il y a quelques six mille ans, et il a ainsi contribué à inaugurer une histoire géologique de l’homme : « Toute notre histoire prouve qu’on peut transformer une discipline sans la connaître ». (Léon Aufrère, Le cercle Abbeville, 279)
Sauvegarde du patrimoine matériel
Avant la guerre, Léon Aufrère collabora avec l’abbé Breuil à l’étude de gisements de la vallée de la Somme. Par ailleurs il devint familier de l’ancien musée Boucher de Perthes à Abbeville : « Toute la vie du héros m’est passée entre les mains », écrit-il. Il avait le projet de réhabiliter ce musée tombé en désuétude, mais personne ne s’y est alors intéressé.
Mai 1940 : destruction totale du musée. Puis refus de collaboration avec les Allemands. Tout devint impossible.
Mais après la guerre, en tant que directeur des Antiquités préhistoriques du Nord de la France, Aufrère a contribué à la sauvegarde de gisements éponymes de la vallée de la Somme et à la reconstruction du nouveau musée Boucher de Perthes.
Sauvegarde du patrimoine immatériel
Léon Aufrère (1889-1977) a publié 31 articles de préhistoire et d’histoire de la préhistoire, ainsi qu’un ouvrage : Boucher de Perthes (1940). Après la guerre un nouveau projet prit corps. « Toute création scientifique demande une fécondation collective » (Essai sur les premières découvertes de Boucher de Perthes et les origines de l'archéologie primitive, 46), avait-il écrit en 1936. Dans cette perspective, il se proposait de faire du nouveau musée non seulement un musée de préhistoire pour mettre en valeur les industries préhistoriques de la vallée de la Somme, mais également un « musée des origines de la préhistoire », avec les découvertes et les œuvres de Boucher de Perthes et de ses prédécesseurs à Abbeville : Emmanuel et François Baillon, Laurent Traullé et Casimir Picard. Il a rédigé à cette époque un manuscrit relatant précisément les découvertes et les œuvres de ces prédécesseurs, manuscrit que j’ai retrouvé et publié : Le cercle d’Abbeville (2007).